• Bruno FABRETTI

     

         


    Le commendatore Bruno Fabretti, giornalista, né le 15 septembre 1923, vicomte selon sa carte de visite, est le seul survivant
    des 48 déportés de Nimis, et l'un des 4 des représailles nazies qui provoquèrent aussi 33 victimes dans la ville voisine de Torlano.
    Voici l'odyssée hors normes de ce cousin engagé à 17 ans 1/2, rescapé de Gudy, Lodz, Dachau, Neuengamme, Bergen-Belsen
    et Buchenwald !

    "Le 8 septembre 1943 je me trouvais en Grèce".

    En février 1941, à 17 ans ½, Bruno s'engage à Mezzocamino di Roma comme simple soldat du Régiment Chimique
    (lance-flamme et chimie).
    Volontaire pour la Grèce (front gréco-albanais), il est affecté à la défense du pont de Corinthe par action de brume artificielle,
    dans la police militaire à Athènes, puis en 43 à la protection du port de Patras avec le même système.
    L'armistice signé, coupé du monde sans comprendre comment rentrer, il s'embarque pour regagner l'Italie,
    mais le bateau est bombardé par les Stukas ; il se jette à l'eau, nage jusqu'à l'île voisine de Keffallenia où il se glisse dans une soute. Mais la chasse allemande revient, ils sont obligés sous la mitraille de virer vers la côte de Mesolongion, seul salut possible.
    Bien traité par les habitants (atteint de malaria, il est soigné dans une famille), avec promesse de rapatriement les Allemands chassés,
    armé et incorporé dans un groupe, il participe à des actions de guerre le long de la route d'Agrinion à Navpaktos.
    Quelque temps à ramasser le raisin avec ses hôtes, puis il descend à pied la montagne, à l'abri des bosquets
    le long du canal de Corinthe qu'il traverse, et arrive à Athènes.

    Les forces alliées conquièrent la Sicile le 10 juillet, débarquent en Calabre et Campanie les 3 et 9 septembre, provoquant à Rome
    la panique dans la classe politique : le Roi Victor-Emmanuel III et le Grand Conseil fasciste relèvent Mussolini de sa charge, l'assignent à résidence, et confient le pouvoir le 23 juillet au Maréchal Badoglio qui s'empresse de négocier un armistice,
    signé le 3 septembre et rendu public le 8 par Eisenhower.

    "Parce que l'Italie signa l'armistice, nous soldats fûmes coupés du pays dans chaque partie du monde ; alliés des troupes allemandes avec lesquelles nous étions amis, nous devînmes tout à coup leurs ennemis.
    Capturés comme militaires, sous le prétexte de nous ramener en Italie, ils nous amenèrent au camp de captivité
    de Lodz
    en Pologne".

    La recherche des militaires italiens s'intensifiant, il trouve un travail de groom dans les ascenseurs du cinéma-théatre Omonia.
    Le directeur ne pouvant plus le garder, les allemands menaçant de mort tout grec cachant un soldat italien, il vagabonde dans la ville
    en demandant à manger aux portes des maisons, dormant dans quelque angle ou cabine téléphonique. C'est là qu'un soir
    une patrouille allemande le surprend et l'emmène au camp de concentration de militaires italiens de Gudy près de la ville de Dafn.
    Puis, sous prétexte de les ramener en Italie, par wagons ouverts, ils arrivent dans une localité brumeuse et froide,
    la ville de Lodzt en Pologne, comme prisonniers préposés aux travaux de défense militaire de la zone.
    Ce camp, à coté de Varsovie, était spécialement conçu pour les enfants, endormis pour être pendus, envoyés en chambre à gaz,
    tués à coups de marteaux, morts dans les wagons ou tués à l'ouverture, les nouveaux nés exécutés sous les yeux de leurs mères
    qui mourront d'infection.
    Les Allemands rassemblèrent dans le ghetto de Lodz, centre de production de guerre important établi en février 1940,
    200 juifs polonais et 20 000 juifs d'Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Pays-Bas, Luxembourg.
    Par suite des conditions inhumaines et des déportations massives, il n'y avait plus que quelques centaines de détenus à la Libération.
    Les juifs y étaient utilisés comme travailleurs forcés. 43 500 moururent de faim ou de maladies et 150 000 furent déportés
    vers les camps d'extermination d'Auschwitz et Chelmo. C'était le dernier ghetto existant encore en Pologne quand il fut liquidé
    en août 1944.

    "Là, en 2 mois, je devins l'ami d'un triestino ; nous réussîmes à nous échapper du camp, et après 54 jours de marche de nuit, retournâmes lui à Trieste, moi à Nimis".

    Avec un triestino, ils décident de s'évader.
    Une matinée qu'ils travaillent à une dizaine de km du camp dans un village, ils se cachent dans des ruines,
    s'éloignent vers des bosquets, prennent la direction du Sud de nuit à pied, sans autre possibilité les allemands étant partout,
    arrivent en Hongrie, puis se séparent,
    Bruno vers Taipana et son ami vers Caporetto et Trieste : 54 jours de marche.
    Le torrent Cornappo divise Nimis.  Ne pouvant regagner sa maison et sa famille à cause des Cosaques et SS occupant le secteur Ouest,
    par peur d'être repris, il rejoint les partisans de la zone Est.

    Frioul dérive du latin forum Iulii, nom de la cité, ancienne capitale de la région, fondée par Jules César.
    Peuplée par les Vénètes dans la plaine et les Celtes Carni dans les Alpes Carniques, la région est colonisée par les Romains
    au IIe s av. J.-C., profondément influencée par la culture latine grâce à Aquileia, centre fluvial majeur, quatrième ville de l’empire
    avec plus de 200 000 habitants, capitale de la Venetie et Histrie. Le développement de Cividale et Zuglio assure
    une certaine prospérité. Exposée aux incursions barbares, elle décline à partir du milieu du IIe s, et est rasée par Attila.
    La capitale régionale est transférée à Forum Iulii (fortifiée au cours du Moyen Âge).
    Nemas Castrum, Nimis (Nemus "bosquet sacré"), aux maisons entre vignobles et bosquets, est fortification clé de la défense romaine
    par sa position stratégique sur les voies de communication reliant Cividale...
    où les Lombards créent un duché ; elle devient la ville la plus importante.
    796        Concile concernant la christologie, le mariage et l'observation du sabbat
    955        Incursions slave et hongroise
    Le pouvoir du Patriarcat d'Aquilée s’accroit et contrôle la plus grande partie du territoire
    3 avril 1077    L’empereur Henri IV accorde au Patriarche Sigeard le comté du Frioul avec des prérogatives ducales
    pour sa fidélité au pouvoir impérial
    1420        Il est annexé à la République de Venise
    1499        Invasion turque
    XVIe siècle    Famines, tremblements de terre, guerres, épidémies
    1516        L’Empereur d’Autriche prend le contrôle du Frioul oriental qui reste autrichien jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale (l'occidental reste vénitien jusqu’en 1797)
    1648        Vendu par la République de Venise il devient autonome...
    1866        et la région partie intégrante du Royaume d'Italie
    Pendant le fascisme, le Frioul supporte un processus d’"assimilation" comprenant la modification des noms de famille et lieux
    pour des formes plus "italiennes", jusqu’à la détention pour les opposants, est intégré dans l’État allemand, intéressé par un débouché sur la mer Adriatique et  la création d’un État tampon, séparé du reste de l’Italie.
    Durant l'occupation allemande, 40 à 60 000 Cosaques ayant collaboré avec les Nazis s'y réfugient car Hitler leur a promis la création
    d'un État Cosaque indépendant.
    S'étendant sur 7 846 km2, bordée par l'Autriche au nord et la Slovénie à l'est, la région se compose de quatre provinces administratives : à l'ouest Pordenone (278 400 h), Udine (518 852 h) au centre, Gorizia (137 800 h) à l'est
    et Trieste (299 830 h) au sud-est, sa capitale.
    Les 1 300 000 habitants se répartissent en trois langues de la famille indo-européenne : italien (53.5 %), frioulan (43 %),
    slovène (4.7 %).
    Jusqu’à la moitié du XXe s, le Frioul demeure une terre profondément rurale et très pauvre, d'où une émigration continue
    vers les États-Unis, Canada, Amérique du Sud, France, Benelux, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Roumanie, Afrique du Sud et Australie.
    Son développement débute dans les années 1960 : meuble, industries sidérurgique et alimentaire, réseau de distribution commerciale,
    industrie lourde, électro-ménager Zanussi-Electrolux à Pordenone (où a travaillé Emilio), tourisme (stations balnéairess de Grado
    et Lignano, sites majeurs de l’Adriatique, centres historiques d’Udine, Pordenone, Gorizia, Aquileia, Palmanova, Cividale,
    San Daniele, Gemona..., tourisme vert, villages alpins), agriculture, élevage, pêche et artisanat (bois et métaux, coutellerie, bijouterie, mosaïques, céramiques...)
    "Mandi équivaut à salut (ciao). La signification se perd dans la nuit des temps : "dans les mains de Dieu", peut-être d'origine préchrétienne "dans les mains des dieux". En langue latine : "la main de Dieu te protège", "longue vie", "vas dans les mains de Dieu",
    "que tu restes longtemps (sur cette terre)"...

    "Le village est divisé par le torrent Cornappo : ne pouvant regagner ma maison coté ouest où se trouvaient Cosaques et SS,
    je rejoignis les partisans sur les cols de Nimis, Faedis et Torlano".

    En 1923, le NSDAP (Parti National-Socialiste) dirigé par Adolf Hitler est engagé dans une lutte violente pour la conquête du pouvoir.
    Les Nazis s'appuient sur les SA (Sturmabteilung : Sections d'Assaut), milices armées paramilitaires constituées par Ernst Röhm
    et Hans Ulrich Klintzsch pour assurer la protection des meetings, multiplier intimidations violences et brutalités à l'encontre
    des opposants. Elles dépendent exclusivement de Klintzsch et en rien d'Hitler qui, en 1923, considérant avoir besoin
    de sa propre unité de protection rapprochée, décide la création d'un groupe d'élite de 200 hommes, "garde prétorienne" (Stabswache) totalement dévouée, à uniforme noir et emblème à tête de mort (Totenkopf), basée à Munich.
    C'est l'origine de la Waffen-SS ou "SS Combattante", branche de la SS Allgemeine ou "SS Générale". L'Ordre Noir venait de naître...
    En 1929, les SA sont comme une armée privée au sein de l'état, la force armée la plus puissante du parti nazi.
    Les SS, prenant de plus en plus d'importance, Hitler, voulant "une organisation d'élite constituée de troupes issues
    du Parti et sûre en toutes circonstances", nomme à leur tête Heinrich Himmler, (Reichführer : Chef Suprême), avec une mission simple, faire de la SS une force armée puissante composée de soldats d'élite, capable de contre balancer les SA. Himmler mit en place un système de recrutement drastique ne sélectionnant que des hommes en excellente condition physique, aux origines raciales pures et adeptes convaincus des thèses nazies. Ils étaient 52 000 en 1933, contre 3 000 000 de membres des SA, pour atteindre 500 000 volontaires ou engagés de force.
    Certaines unités ont été affectées aux champs de bataille, mais on connaît davantage leur rôle dans la destruction
    de la communauté juive.
    Ce système reposait sur le concept, ou l'idéal d'un Ordensstaat, État dirigé par un Ordre.
    Le parti avait constitué trois Ordensburgen, châteaux de l'Ordre, complexes s'inspirant du vieux style nordico-germain,
    avec de vastes terrains annexes, bois, prairies et lacs, où les jeunes étaient accueillis, après sélection préalable.
    On leur donnait une formation militaire, physique, morale et intellectuelle, leur enseignait une certaine vision du monde,
    tout ce qui avait trait au courage et à la résolution, avec des épreuves risquées. Rosenberg supervisait ces Ordensburgen ;
    ses idées servant de fondement à l'endoctrinement.
    Ces jeunes devaient assumer des fonctions politiques et postes de responsabilité dans le Troisième Reich.
    A l'origine, SS étaient les initiales de Saal-Schutz, sorte de garde du corps qu'Hitler, protection et service d'ordre.
    Par la suite, les deux S se rapportèrent à Schutz-Staffeln (Section de protection), et l'on arriva à la formation d'un véritable corps
    pour la protection de l'État, le Corps Noir distinct des Chemises Brunes.
    Étaient pris en considération clause raciale : sang aryen (ascendance prouvée jusqu'en 1750 au moins), constitution physique saine,
    type de race nordique de haute taille, qualités du caractère. Himmler voulait faire de la SS un Sippenorden,
    Ordre qui aurait correspondu dans le futur à une race, un sang, une lignée héréditaire (Sippe). En conséquence,
    la liberté des choix conjugaux du SS était fortement limitée.
    Il ne pouvait pas épouser une femme sans l'approbation d'un bureau racial.
    En se développant, la SS se ramifia en de multiples sections, dont certaines, étant donné leur caractère spécifique,
    laissèrent au second plan les aspects d'Ordre : SS à Tête de Mort qui eurent des fonctions parallèles à celles de la police ordinaire
    et de la police d'État, Verfügungstruppe SS, force armée à disposition dépendant directement du chef du Reich, qui en juillet 1940 donna naissance aux Waffen-SS, unités militaires d'élite, dont les performances devaient imposer à l'ennemi respect et admiration,
    la section Rusha (Rasse und Siedlungshauptamt) qui s'occupait de questions raciales et de colonisation interne, le SD,
    Service de Sécurité (Sicherheitsdienst) aux activités culturelles et de contrôle culturel qui se développa en contre-espionnage, l'Ahnenerbe, institut ayant pour tâche de faire des recherches sur l'héritage des origines, du domaine des symboles et des traditions
    au domaine archéologique.
    La SS acquit toujours plus d'importance politique, au point qu'on put la considérer comme un État dans l’État.
    Enfin, après le mois de juillet 1940, les formations SS donnèrent naissance à des unités militaires et divisions blindées
    qui se battirent aux cotés de la Wehrmacht. C'est de ces Waffen-SS que naquit la première armée européenne. Plus de dix-sept nations furent représentées dans les Waffen-SS : Français, Belges, Hollandais, Scandinaves, Ukrainiens, Espagnols et même Suisses.
    L'ensemble compta jusqu'à 800 000 hommes environ.
    Ahnenerbe, Héritage des ancêtres, organisation dépendant de la SS fondée en 1935, était chargée des recherches concernant
    les traditions des peuples nordico-aryens, dans des domaines aussi variés que le symbolisme, la religion, l'histoire, l'anthropologie, l'archéologie, la géopolitique. Elle organisa et finança deux expéditions au Tibet ainsi que les recherches d'Otto Rahn sur les Cathares.
    Plusieurs de ses hauts dirigeants se seraient échappés en 1945 et réfugiés au Tibet.
    L'Ahnenerbe est considérée comme le véritable cœur ésotérique du national-socialisme.
    Hermann Wirth croyait à l'existence d'une civilisation arctique originelle, dont il affirmait pouvoir retracer les migrations
    grâce à la "série sacrée", ensemble de symboles primordiaux comprenant la roue solaire, la hache bicuspide, la spirale,
    certaines runes.
    Elle aurait possédé une religion déjà supérieure, un monothéisme solaire basé sur une sorte de révélation naturelle,
    dont le moment le plus intense était le solstice d'hiver. Ainsi la civilisation ne viendrait pas de l'Orient, mais du Nord.
    Une race prédestinée, la race nordico-atlantique, en était la fondatrice, et transmit plus tard ses connaissances à d'autres cultures, après la glaciation et l'émigration forcée. Il fut cofondateur de l'Ahnenerbe en 1935 et écrivit de nombreux livres dont le plus connu
    est l'aurore de l'humanité Der Aufgang der Menschheit (1928)

    "En septembre 1944, la région fut encerclée et incendiée, et tous les gens évacués. Je me mélangeais à la population, mais à Tarcento je fus pris (le 29) avec les jeunes garçons et filles de 15 à 30 ans qu'ils mettaient d'un coté, et les anciens de l'autre.
    Convoyés en colonnes par les SS jusqu'à Udine,
    emprisonnés 2 nuits, chargés à la gare dans des wagons à bestiaux en direction
    de Dachau, nous traversâmes le pays avec vêtements et bagages,
    pensant aller travailler comme mon père en Allemagne,
    ce que nous disaient les soldats au départ".

    Convoi n°87 parti de Trieste le 2 octobre, matricule 112 872, arrivé à Dachau le 5 (avec Pietro Venerio).

    Mis en service le 22 mars 1933 près de Munich en Allemagne, Dachau, Quartier Général de la Waffen-SS, est organisé
    comme modèle des camps pour les adversaires du régime, juifs, nazis dissidents, ennemis personnels.
    Ses kommandos fournissent de la main d’œuvre à Messerschmitt, BMW, Zeppelin...
    Activités : Maçonnerie, menuiserie, serrurerie, sellerie, cordonnerie, fabrication de vêtements, boulangerie, boucherie,
    ferme expérimentale, jardinage, élevage d'angoras, entomologie (étude des insectes), armurerie, extraction de tourbe.
    En 1938, après "la Nuit de Cristal", 10 000 juifs y sont emprisonnés.
    Le 2 juillet 1944, un convoi, le "train de la mort", parti de Compiègne avec 2 000 détenus français arrive, le 5,
    avec plusieurs centaines de morts.
    Une épidémie de typhus début janvier 1945 fait des milliers de victimes, jetées et entassés dans d'immenses fosses.

    Cette maladie transmise par le poux du corps, au taux de létalité de 1 à 20%, se caractérise par de brusques accès de fièvre,
    des frissons, maux de tête, fortes douleurs musculaires, une fatigue extrême, puis une éruption de taches brunes
    entre le cinquième et sixième jour.

    29 avril 1945 17 h, "les Américains sont là !", libération du camp par la 7e armée américaine. 507 000 victimes y périrent.

    La nuit du 9 au 10 novembre 1938 reste l'un des plus tristes moments de l'histoire allemande.
    Des lois antisémites avaient mis à l'écart les allemands juifs, et d'autres leur avaient succédé : enregistrement des entreprises juives,
    carte d'identité spéciale, privation de passeport.
    L'agression mortelle d'un conseiller de l'Ambassade d'Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par Herschel Grynszpan, un juif polonais
    de 17 ans, est le prétexte choisi pour relancer la politique antisémite.
    Le 9 novembre, le ministre de la propagande, Joseph Goebbels, dénonce un "complot juif" contre l'Allemagne, et jette ses militants dans les rues le lendemain pour un pogrom de très grande ampleur : les SA, SS et Jeunesses Hitlériennes s'en prennent
    aux synagogues et locaux des organisations israélites, aux magasins et biens des particuliers, en tenue de ville pour faire croire
    à un mouvement populaire spontané.
    91 juifs sont assassinés, blessés, maltraités et violentés, 280 synagogues incendiées, 7 500 boutiques détruites et pillées,
    de nombreuses habitations dévastées et presque tous les cimetières profanés.
    Avec un certain cynisme, les nazis donnent à ces violences antisémites le nom poétique de "Nuit de Cristal", en référence
    aux vitrines brisées, et taxent la communauté juive d'une énorme amende pour cause de tapage nocturne !
    De 20 à 35 000 juifs seront arrêtés, envoyés à Dachau,  Sachsenhausen... et libérés contre rançon.
    L'extermination n'est pas encore d'actualité.

    "Au camp de jeunes Hitlériens entraient dans les files, nous crachaient dessus, donnaient des coups de pied dans les tibias
    et on se demandait ce que nous avions fait.

    Ils nous firent entrer dans une grande halle, nous déshabillèrent complètement, prirent nos bagages, nous rasèrent tout le corps, nous désinfectèrent dans une grande cuve de créoline et nous tatouèrent un nombre sur le bras : on comprit alors que nous n'étions plus des hommes mais des numéros.
    Je restais avec mes 48 compatriotes et ceux d'Attimis et Faedis environ 20 jours puis nous fûmes transférés à Neuengamme
    à 20 km d'Amburgo sur l'Elbe,
    où nous connûmes ce qu'était un camp dur : travail de 5 à 19 h, dans le froid, en costume rayé
    blanc et bleu, des espadrilles en toile aux pieds".

    La créoline, désinfectant bactéricide, détruit puces et punaises.

    Transport n°204 du 22 octobre, matricule 62588.

    13 décembre 1938, les SS déplacent cent détenus de Sachsenhausen à une briqueterie vide de Hambourg-Neuengamme,
    qui deviendra camp de concentration indépendant début été 1940.
    Pendant la guerre, des dizaines de milliers de personnes sont expulsées des camps pour Neuengamme partout en Europe occupée.
    Activités : Briqueterie, menuiserie, ateliers de munitions, horlogerie.
    Main d’œuvre pour les usines du Nord-Ouest de l'Allemagne : cellulose, mines de sel, usine Volkswagen, fortifications,
    constructions navales, installations portuaires, base sous-marine et usine souterraine d'aviation, avions de chasse,
    et Peenemünde la base expérimentale des V2.
    Peu habillés et peu nourris, les soins médicaux insuffisants, les conditions sanitaires catastrophiques, le harassement
    et les abus infligés par les SS déciment environ 55 000 des 106 000 détenus.
    Du 6 au 30 avril 1945, une partie des prisonniers est évacuée vers Sandbostel, une autre sur le paquebot "Cap Arcona"
    et les cargos "Athen" et "Thiebeck" coulés en baie de Neustadt.
    4 mai 1945, les troupes britanniques parviennent sur un site vide.
    Après la guerre, des fonctionnaires SS, du NSDAP, de la Wehrmacht y sont internés, et en 1948 les anglais rendent le camp
    à Hambourg qui y établit un centre de correction. Vers la fin des années 60 les autorités judiciaires y construisent une autre prison.

    Le Parti Nazi fondé en 1919 par un serrurier de Munich, Anton Drexler, est un des nombreux mouvements populaires
    existant en Allemagne suite à la défaite du pays lors de la Première Guerre Mondiale. Afin d'enquêter sur cet organisme,
    les services de renseignement allemands envoient le caporal Hitler contrôler ses activités. Impressionné, il le rejoint comme numéro 7.
    Vers 1932, largement soutenu à travers l'Allemagne avec 13 750 000 voix, il devient le plus important groupe politique du Reichstag,
    le Parlement de la République de Weimar. Après l'interdiction ou le démantèlement de tous les autres partis jusqu'au 5 juillet 1933,
    et l'interdiction de nouveaux le 14, renommé NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei : Parti National-Socialiste
    des Travailleurs Allemands) il arrive au pouvoir avec Adolf Hitler. "Nazi" fait référence aux membres de ce parti ou adhérents
    de cette philosophie.
    Principale puissance politique de l'Allemagne nazie de la chute de la République de Weimar en 1933 jusqu'à la fin
    de la Seconde Guerre Mondiale en 1945, il est déclaré illégal, ses représentants arrêtés et reconnus coupables
    de crimes contre l'Humanité au Tribunal de Nuremberg.
    (Wehrmacht : Puissance de défense) désigne à partir de 1935 l'ensemble de l'Armée de Terre Allemande.

    "5 h du matin appel et les ennuis si on ne se réveillait pas assez vite parce que le kapo de la baraque, le plus mauvais de tous,
    nous donnait de terribles coups de bâton derrière la tête. Poitrine nue, on se lavait dans la cour avec l'eau glacée par -20° en octobre puis l'appel qui durait 1h 1h1/2 ou plus.

    Nous avions un numéro sur la veste -j'avais le 62 588- qu'on devait savoir en allemand, car si on ne répondait pas
    ne comprenant pas la langue, un SS venait, le contrôlait, disait "ya" pour nous en nous frappant de 4-5 coups de bâton sur la tête. Ensuite, avant de travailler, toujours en rangs, ils nous donnaient des tranches carrées de pain noir avec un peu de margarine dessus, résultat d'une recherche scientifique des médecins du camp qui la tiraient des cadavres.

    Avec cette tartine il fallait tenir toute la journée jusqu'au soir. Puis même appel et coucher.
    Avec mes compatriotes, comme on avait toujours faim, on parlait en allant se coucher du plus beau et plus cher des menus,
    mais il n'y avait rien. Alors on parlait de polenta, de fromage, et je me rappelais toujours mon grand-père qui nous disait
    lorsque nous étions tous à table : "Le fromage dans la main gauche, la polenta dans la droite, frotter le fromage avec la polenta
    et la manger". On parlait de ces choses simples, pas des amuse-gueule d'aujourd'hui, puis chacun au lit,
    où on devait dormir à 2
    et où on était 4. Nos pensées allaient à nos maisons, nos mamans, et on priait Dieu : "Qu'avons nous fait d'aussi grave, à 20-30 ans,

    pour être punis. Dieu, où es-tu ?"
    Un Monseigneur, un jour, a dit dans un sermon : "Dieu a envoyé Jésus-Christ sur Terre, avec mission de punir les méchants
    et les mauvais". Quand j'étais déporté dans ces camps, je me demandais qui étaient les mauvais et les méchants, et je n'arrivais pas à comprendre : "A quels mauvais et quels méchants se référait-il ? Nous, nous étions les méchants et mourions
    dans les camps d'extermination ?".

    On implorait toujours Dieu, et toujours la pensée de la mamma était invocation à Dieu ; cela nous a sauvé
    et fait retrouver la maison.

    12 000 000 d'êtres humains ont été déportés, 11 exterminés ; 1 seulement est revenu pour toute l'Europe : c'est vraiment peu".

    Les Nazis ont organisé les camps de concentration peu après leur prise du pouvoir en 1933 afin d'enfermer et d'isoler
    leurs opposants politiques et ceux qu'ils considéraient comme "racialement" indésirables comme les Juifs et les Tziganes.
    La plupart de ces 1 800 camps étaient des camps de transition ou de travail. Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen
    furent les premiers. Après l'occupation de la Pologne, ils organisèrent des camps d'extermination à Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Belzec, Chelmno et Majdanek.
    Les camps d'extermination avaient pour seul but le massacre de gens considérés comme irrécupérables. Les SS utilisaient la fusillade
    pour exterminer juifs et autres déportés, mais cette méthode étant peu "rentable" il développèrent en décembre 1941
    le gazage au Zyklon B, produit insecticide, à Auschwitz-Birkenau et Majdanek, et dans la plupart des autres camps d'extermination,
    au monoxyde de carbone.
    Ils faisaient se déshabiller essentiellement les malades, infirmes, femmes enceintes, personnes âgées et enfants, leur donnaient
    un savon et les dirigeaient par groupe de 800 vers les chambres à gaz, pièces hermétiquement closes camouflées en salles de douche
    où en quelques minutes ils étaient gazés, puis enterrés dans des fosses communes que les SS leur faisaient creuser.
    Mais comme cela dégageait une odeur pestilentielle, on construisit les fours crématoires.
    En 1942, les médecins SS testèrent la piqûre intracardiaque à mort directe, surtout utilisée pour les Polonais.
    Pour éviter le développement de cette "race inférieure" les SS développèrent la stérilisation par opération ou méthodes biologiques.
    Ugine a massivement produit ce gaz, comme le révèle un rapport du 24 février 1941 découvert en mars 1997 dans les archives
    du Majestic, grand hôtel parisien où siégeait le commandement de l'administration militaire allemande, dans lequel Kolb,
    délégué nazi à la chimie et directeur de l'IG-Farben, annonçait la spécialisation d'une des sociétés fondées avec Ugine
    dans "la fabrication et la réalisation de moyens de gazage et de bases d'acide cyanhydrique pour gazage", le Zyclon B
    sous licence allemande, dans l'usine de Villers Saint-Sépulcre (Oise). 37 tonnes par mois en 44.
    Placées dans des boites métalliques hermétiques, des rondelles poreuses stabilisaient la combinaison chimique pour le transport.
    A l'ouverture, l'acide cyanhydrique liquide se vaporisait en gaz dont l'efficacité létale devenait maximale à la température de 27°,
    celle des chambres à gaz.

    "Les gardes nous amenèrent creuser la terre pour le grand four à briques du camp ; on la mettait sur des chariots
    qu'on amenait
    au four où d'autres les portaient à l'intérieur en continu. On creusait aussi un petit port afin que des péniches
    nous emmènent travailler à Amburgo bombardé chaque jour
    par les alliés ; on arrivait, déblayait les ruines, dégageait les routes
    et les magasins, et le soir on retournait se cacher dans les péniches.

    Un jour, je me retrouvai sans compatriotes, sans friulani, alors je me suis lié avec des déportés russes qui étaient très affectueux avec moi, l'italien, et suis devenu leur ami ; ils me firent comprendre qu'ils allaient tenter de fuir pendant un bombardement,
    quand les allemands donnaient l'alarme
    et descendaient dans les refuges, alors que nous continuions à travailler sous les bombes.
    Nous nous enfuîmes, mais un engin tomba près de moi faisant un massacre, je fus blessé au coté et à la jambe gauche
    et tombai dans une mare de sang.

    L'attaque terminée les allemands sortirent ramasser les blessés et ne sachant pas qu'on était en train de fuir, sinon ils nous auraient tués, nous rapportèrent dans le camp, et, plein de sang, me jetèrent sur un tas de cadavres devant ma baraque en disant :
    "Celui-ci mourra pendant la nuit". C'était la veille de Noël,
    je ne suis pas mort mais j'ai perdu connaissance.
    Aucune trace de cette nuit là dans mon journal. Sur le registre de Bergen-Belsen, à coté de mon nom et matricule,
    j'ai vu que j'étais arrivé le 2 janvier et reparti le 18 pour Buchenwald ; quinze jours dont je ne me rappelle rien".

    Le camp de concentration de Bergen-Belsen est établi en 1940 près de Hanovre au nord de l'Allemagne pour recevoir des prisonniers Français et Belges, et d'Albanie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, des juifs "protégés" pour échange. On le renomme Stalag 311
    en 41 pour les prisonniers soviétiques, et en 43 lui redonne le nom de Bergen-Belsen.
    125 000 détenus. Activités économiques : cuisines, chaussures, construction, défrichement.
    Après un accord passé avec le commandant pour neutralisation à cause du typhus le 12 avril 1945, les SS quittent le lendemain
    le camp libéré le 15 par les troupes britanniques qui y découvrent 60 000 prisonniers émaciés et des milliers de cadavres non enterrés.
    Il devient camp de réfugiés après la Libération, les forces armées du Canada participant à son administration.
    Après "la Nuit de Cristal" en 1938, on y emprisonna environ 10 000 juifs. Dora-Nordhausen et Ohrdruf étaient deux satellites.
    43 000 personnes y périrent avant la libération du camp.

    Anne Franck et sa sœur y meurent du typhus en mars 1945, trois semaines seulement avant la libération du camp.
    Née le 12 juin 1929 à Francfort-sur-le-Main, elle a 4 ans lorsque sa famille fuit l'Allemagne nazie pour Amsterdam.
    Les Pays-Bas sont envahis le 10 mai 1940, les juifs contraints de se faire enregistrer en janvier 41, et obligés de porter l'étoile jaune
    en avril 42. Pour ses 13 ans, Anne reçoit de son père un cahier blanc et rouge, son journal intime nommé Kitty.
    Le 5 juillet, sa sœur Margot est convoquée par la Zentralstelle, synonyme de déportation vers un camp de travail forcé : le lendemain, simulant une fuite vers la Suisse, les Franck se cachent dans l'annexe de l'entreprise paternelle, dans un grenier fermé
    par une porte armoire secrète sans pouvoir en sortir ni faire de bruit, où ils seront rejoints par les Van Daan et un dentiste.
    Du 14 juin 42 à sa dernière lettre du 1er août 44, elle nous raconte ses petites histoires d'amour avec Peter le fils Van Daan,
    ses disputes, critiques, peurs, colères et la difficulté de vivre enfermé sous la menace d'être découverte, l'évolution psychologique
    des huit personnes, comment entrevoir un court instant la rue. 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie.
    4 août, ils sont dénoncés, arrêtés et déportés à Auschwitz. Anne et sa sœur, malades, sont séparées de leurs parents
    et transférées à Bergen-Belsen en octobre.
    Seul son père survécut. Otto est mort le 19 août 1980 en Suisse, après avoir consacré sa vie à la mémoire de sa fille.
    "Qui nous a imposé cela ? Qui a fait de nous, les Juifs, une exception parmi tous les peuples ?" Journal d'Anne Frank - 11 avril 1944

    15 juillet 1937, les premiers détenus allemands amenés de Lichtenburg débutent la construction du camp de Buchenwald
    en Allemagne centrale. Les premiers prisonniers furent des communistes et des juifs. Abrités dans quelques baraques,
    défrichant la forêt pendant des années sur une centaine d'hectares, ils bâtissent une véritable ville avec rues, avenues,
    usines et édifices en dur, les pierres provenant de la carrière.
    La seule construction de la voie ferrée et de la "Route du sang" reliant le camp à Weimar, où l'on entrait par un portail
    où se détachaient les mots "Jedem das Seine" (A chacun son dû), coûta la vie à plus de 10 000 déportés.
    Main d’œuvre pour l'industrie : briqueterie, menuiserie, BMW, Opel, aciéries, AEG (munitions), Messerschmitt,
    construction aéronautique...
    60 000 détenus meurent sur les 239 000.
    3 avril 1945, les SS reçoivent l'ordre de liquider le camp. D'énormes convois évacuent vers Bergen-Belsen, Dachau, Flossenbürg,
    nombre de détenus qui périssent au cours des "marches de la mort" ou au terme du voyage, mais grâce à l'action
    de l'organisation clandestine, ils échouent dans leur ultime entreprise d'extermination.
    5 avril, la 4e DB américaine découvrent le kommando d'Ohrdruf.
    11 avril, quelques heures avant l'arrivée des américains, les SS abandonnent le camp aux 25 000 derniers prisonniers.

    "A Buchenwald on nous emmenait agrandir le camp pour faire de la place aux autres déportés qui arrivaient de toute l'Allemagne ; on dormait sur le sable, par grand froid en cette fin janvier ou février.
    Puis ils me choisirent pour travailler aux fours crématoires. Avec un tchécoslovaque nous étions devant une bouche
    et devions prendre les cadavres
    qu'on nous portait, les charger sur un chariot mécanique, les enfourner à 14-15 par tour,
    pendant 12 heures du matin au soir où une autre équipe travaillait de nuit. Nous ne pouvions en enfourner moins de 500
    par roulement, et avec les six fours on ne réussissait pas à les mettre tous ; alors les allemands, ne pouvant
    leur donner de sépulture, ont amené un caterpillar, et pour ce travail on avait une portion de soupe en plus par jour : quelques navets, de l'eau colorée,
    mais cela nous stimulait pour continuer.
    Nous étions devenus des épaves, ne pouvions parler et lorsqu'un SS donnait des ordres ne devions jamais lever les yeux parce que, pensant que nous ne voulions pas obéir, il sortait son pistolet pour nous tuer ; on était des robots.
    Mais le 5 avril 1945 à 5 h du matin personne nous réveilla, et on s'aperçut que les SS étaient partis en laissant électrifiée l'enceinte afin qu'on ne puisse fuir.
    Plus de kapo ni d'SS. On entendait vers le sud les bombardements et dans la nuit voyait clignoter les canons.
    Nous ne pouvions plus résister, mourant par milliers sur les places et dans les baraques, sans pain ni soupe.
    Alors les russes me portèrent, "viens avec nous" ; avec de petits morceaux de boîtes métalliques ils allaient où il en mourait un pour, chaud encore, y prendre un morceau de peau qu'ils mâchaient, mais je n'ai jamais réussi à le faire.
    Sur les latrines à ciel ouvert de la place, les allemands jetaient les épluchures de pommes de terre en les enfouissant
    pour qu'on ne puisse les prendre.

    Me rappelant ce détail, je suis descendu dans la boue jusqu'à la ceinture en chercher, et ainsi j'ai réussi à tenir 9 jours.
    Au matin du 9e jour les russes m'ont fait comprendre qu'ils étaient en train de fuir grâce à des poutres en bois pour isoler
    du courant, me portant
    car je ne pouvais plus tenir debout :"vas vers le bosquet en direction de la canonnade".
    A quatre pattes comme un chat, je me suis traîné et réfugié
    sous le feuillage où je suis resté toute la journée et la nuit ;
    le matin à peine l'aube levée je suis parti et suis arrivé dans une clairière où il y avait
    de vieux paysans qui plantaient
    des pommes de terre. J'ai attendu deux heures qu'ils finissent, et, tout doucement, suis allé près des sillons, j'ai creusé,

    et ce fut là mon premier repas de liberté : de toutes petites pommes de terre enveloppées de fumier, très bonnes !
    Ensuite, toujours à couvert, j'ai descendu le col, et arrivé près de Weimar où est le monument de Goethe, j'ai vu sur la place centrale des américains arrêter les allemands et les désarmer ; je me suis livré à eux, ils m'ont accueilli, embrassé, et, ne tenant plus
    sur mes pieds, m'ont porté en ambulance
    à l'infirmerie, fait des piqûres et donné à manger.
    Cependant, vous devez comprendre qu'avec la libération des milliers de déportés sont morts, arrivés au dernier stade :
    ils ont commencé à manger,
    leur estomac s'est bloqué et ils sont morts. Moi j'ai eu des dysenteries, contracté le typhus, plein de poux sur tout le corps, et c'est un médecin allemand qui m'a soigné.
    Nous étions à Spandau près de Berlin ; les russes, tous les américains s'étant retirés vers l'Elbe, ont envahi la zone ;
    on est allés vers eux.

    Ils nous donnèrent une vache vivante que nous avons tuée à coups de bâton et dépecée avec les couteaux.
    Ils nous dirent : "nous vous ramenons en Italie mais pas par voie de terre car tous les ponts de l'Allemagne ont sauté.
    Nous vous amenons en Russie,
    ensuite en bateau en Italie". On a vite accepté. C'était fin avril et nous logions dans des familles
    de paysans à Odessa. Mais passés quelques mois à manger
    et boire sans rien faire, on voulait retourner à la maison.
    Partis les premiers jours de décembre, après vingt jours de bateau nous sommes arrivés à Brindisi où étaient les autorités
    et la Croix Rouge
    qui nous prirent au port, nous emmenèrent dans une caserne, nous donnèrent de nouveaux vêtements,
    mille lires (environ deux millions d'aujourd'hui,
    ce qu'on ne savait pas n'ayant jamais vu pareille somme).
    Nous devions faire une quarantaine mais on s'est dit : "On est revenus en Italie après 4 ans de manque de maison
    et on devrait rester 40 jours ici ?".

    Le soir même avec 4 autres nous avons pris le train et sommes arrivés à Mestre, où la police ferroviaire nous a fait descendre
    parce que nous n'avions pas de billet, nous a donné à manger et à boire, un billet de première classe, et parvenu à Udine,
    j'ai pris l'autocar pour Nimis et suis arrivé devant ma maison,
    réduite en un tas de décombres.
    J'ai demandé où étaient les miens : mon père était mort dans les années 40, il me restait ma mère et mon frère.
    Mon voisin m'annonça qu'il était mort
    comme parachutiste, et ma mère évacuée il ne savait où. Après 15 jours de recherche
    à Tarcento, Buia, San Daniele je l'ai retrouvée à Feletto Umberto,
    hôte d'une famille. Le prêtre m'accompagna auprès d'elle
    que je n'avais pas vue depuis 4 ans et toujours implorée : la rencontre avec ma maman
    a été l'instant le plus émouvant de ma vie.
    A Feletto ils étaient très solidaires et te donnaient à manger, mais comme j'étais un peu orgueilleux et ne voulais pas vivre
    comme tous les friulani
    dans cette dépendance, au bout d'une semaine je suis allé à Udine à la Chambre du Travail
    -l'actuel bureau de placement-, dis mon nom,
    que je revenais d'Allemagne, ma maison avait brûlée et je voulais trouver un emploi pour ne pas dépendre plus des autres. Un employé à lunettes et cheveux longs se montra au guichet : "Pas de souvenir de Dachau ?". Je ne l'avais pas reconnu car nous avions les cheveux rasés. "Donnes-moi ton adresse, que je te cherche un bon travail".
    Il m'en trouva un comme Garde d’État assermenté dans la Brigade "Julia". "Je t'ai recommandé auprès du commandant".

    Lorsque j'entrai dans son bureau il m'embrassa, m'emmena à la Caisse. C'étaient les premiers jours de janvier 1946,
    il me fit délivrer d'avance une solde
    de 2 450 Lires ; "tu commenceras le 1er février".
    Avec cet argent j'ai acheté des chaussures, des assiettes et un visa, et je pensai à ma vie.
    Il m'avait dit "reviens avec un certificat de 5e classe", mais je ne l'avais pas car j'ai fait six ans de 2e élémentaire, et n'ai jamais réussi à arriver à la 5e parce qu'ils me renvoyèrent. Je suis resté en 2e car le maître prisait du tabac "Zinziglio" et m'aimait bien. Alors, chaque matin, j'allais prendre 10 centimes de tabac et lui faisais son mélange à priser dans un grand mouchoir rouge : comme j'étais sa mascotte, il ne m'a jamais promu pour continuer.
    Comment faire ? Je connaissais le maestro Masotti des classes élémentaires de Tricesimo et lui expliquai l'affaire :
    "Pas de problème, j'en parle au directeur ;
    entre temps vas au marché et prends-lui des asperges, il les aime".
    Et avec 1 kg d'asperges et 6 œufs, le directeur m'a donné le certificat.

    Tout en exerçant mon métier je continuais à étudier : classes moyennes, supérieures puis cours de journalisme à Urbino.
    Les gens me demandent : "Monsieur Fabretti, comment avez-vous encore la force, après 50 ans passés à raconter ces choses
    dans les écoles ?"

    Ce sont les personnalités rencontrées qui m'ont donné ce courage et incité à témoigner, sinon je ne serais jamais venu
    vous en parler ; et aussi le souvenir
    d'un grand-père à qui nous demandions de raconter sa guerre de Caporetto en 14-18
    et ce pauvre nonno nous racontait toujours et toujours ses aventures.

    Et d'autres : "Monsieur Fabretti, avec tout ce que vous avez supporté, combien d'allemands avez-vous tué ?"
    Revenu à 22 ans, je n'avais que ma mère, plus de maison. Je regardais seul devant moi, seulement la bonne route,
    pas celle de la drogue et de la délinquance.

    Je devais me refaire une vie. J'ai construit une maison, trouvé une femme avec laquelle j'ai passé 50 ans de mariage (1949).
    Avec 4 enfants et 9 petit-enfants,
    je suis un père et un grand-père heureux.
    Je n'ai tué aucun homme. J'ai su pardonner. Pour le montrer, j'ai fait un jumelage entre Nimis et Lach, un village près de Graz
    en Autriche. Ces gens ont été froidement accueillis, parce tout avait brûlé et il y avait eu tant de victimes : 54 déportés,
    les partisans et les morts des bombardements ; mais maintenant
    des rapports d'amitié se sont instaurés.
    Je n'ai aucune rancune ni haine dans mon cœur, c'est ce que je veux vous enseigner."
    Interview-conférence du 29 novembre 1999

    De retour il trouve du travail.
    En novembre 1945, il entre à l'Officina Militare della Julia à Udine, puis au service civil à la Quinta Officina Regionale della Julia
    à Basiliano comme garde assermenté, où il écrit pendant la nuit ce testament spirituel, la mémoire d'une époque,
    Per non dimenticare (Pour ne pas oublier).
    "A mes fils, aux fils de mes compagnons, à tous les jeunes, afin qu'ils se rappellent combien vaut la liberté".
    Accademia Militare comme infirmier diplômé. 04/1946 Modena, 41100, ITALIE.
    Ospedale Militare 1950 Padova, 35100, ITALIE.
    Carrière diplomatique jusqu'en 62 dans les États de l'Est. 1950.
    Journaliste 1969 Collaborateur des journaux "il Gazzettino", "il Messagero Veneto" e "il Friuli Sera".
    Directeur responsable du mensuel "Lis Campanelis - La Voce del Friuli", envoyé à tous les émigrants du Frioul à travers le monde,
    et du journal d'entreprise "Dopolavoro Club Patriarca".
    A collaboré à la réalisation de nombreux livres et opuscules concernant le tremblement de terre, comme "Friuli - Un minuto di morte",
    a réalisé le gros livre "Nimis - Un calvario nei secoli" et d'autres encore.
    Puis à celui d'Udine où il prend sa retraite 01/07/1971.
    Le triangle rouge pointe en bas était réservé aux dissidents politiques.

    Le pont de Rion-Antirion.
    Une position stratégique.
    Reliant le Péloponèse à la Grèce continentale, ce pont est situé à l'intersection de deux axes autoroutiers importants,
    et grâce aux ports de Patras et d'Igoumenitsa (au nord-ouest), facilitera les communications entre la Grèce et l'Italie
    et renforcera le développement local.
    Des conditions difficiles.
    Le détroit de Corinthe étant soumis à une importante activité sismique, le principal souci des concepteurs fut d'assurer la stabilité
    du pont en cas de tremblement de terre. Autre impératif : l'édifice doit résister à une collision avec un pétrolier de 180 000 tonnes
    et à des vents de plus de 250 km/h.
    Les fondations.
    Les piles, partie de l'édifice qui soutient le tablier descendent à 65 mètres, jusqu'au sous-sol marin. Les pylônes s'élèvent à 160 mètres
    au-dessus du niveau de l'eau. Les embases des piles sont les plus grosses jamais réalisées, 90 mètres de diamètre.
    Une construction en plusieurs étapes.
    Les piles ont été construites sur la côte, en cale sèche. Ladite cale sèche est mise à l'eau, les embases remorquées vers leur lieu
    de destination. La construction se poursuit en flottaison, les piles étant immergées une fois achevées.
    Des moyens colossaux.
    7 ans de travaux, 1 200 hommes, 250 000 m3 de béton et 100 000 tonnes d'acier. Le poids des haubans représente 4 500 tonnes.
    Le coût total du projet s’élève à environ 800 millions d’Euros.L'Europe et l'État grec ont chacun participé à hauteur de 45%.
    Une technique innovante.
    Les ingénieurs se sont inspirés des plates-formes pétrolières. La technique du pont suspendu aurait nécessité un ancrage
    des câbles porteurs sur les rives, or le sol était trop fragile.
    Une œuvre d'art.
    Le pont de Rion-Antirion, avec quatre pylônes, est le pont à haubans qui en compte le plus. 23 paires de haubans
    sont accrochés de part et d'autre de chaque pylône.
    Un passage indipensable.
    Le tablier de 27,2 mètres de largeur comporte, dans chaque direction, deux voies de circulation, une bande d'arrêt d'urgence
    et un trottoir.
    On attend 11 000 véhicules par jour. Le tarif prévu est d'environ 10 euros pour les voitures et 30 pour les camions et les bus.
    La chronologie.
    1880 Harilaos Trikoupis, premier ministre de la Grèce, a la vision d'un pont franchissant les 3 km du détroit de Corinthe.
    Le projet est débattu au Parlement, mais techniquement, il n'est pas réalisable à cette époque.
    1991 L'appel d'offre est lancé.
    1996 Signature du contrat entre l'état grec et la société Gefyra pour la conception, la construction, le financement,
    l'exploitation et l'entretien du pont.
    1998 Le 19 juillet, le premier ministre Costas Simitis pose la première pierre de l'édifice.
    2004 Le pont est achevé mi-août, à la veille des J.O. d'Athènes.
    2039 Fin de la période d’exploitation pour Gefyra. Le pont sera remis à l'État grec qui l'exploitera lui-même.
    Comparaison avec des ponts suspendus célèbres.
    5300 m (en projet) : Messine (entre la Sicile et l'Italie ; suspendu)
    3800 m : pont d'Akashi Kaikyo (Japon ; suspendu)
    2883 m : pont de Rion-Antirion (Grèce ; à haubans)
    2737 m : pont du Golden Gate (États-Unis ; suspendu)
    2141 m : pont de Normandie (France ; à haubans).

    Les V2, conçus à Peenemünde par l'ingénieur allemand Wernher von Braun, sont les premiers missiles balistiques opérationnels
    et préfigurent les lanceurs de l'ère spatiale. Ces armes, développées dès 1938, ont tué deux fois plus de main-d'œuvre concentrationnaire que de civils au Royaume-Uni, et n'apportent pas la supériorité escomptée du fait de leur imprécision
    et leur faible effet destructeur.
    Le premier V2, tiré sur Paris de Belgique le 8 septembre 1944, atteint Maisons-Alfort en 5 mn, faisant 6 morts et 36 blessés.
    4 000 engins dont 1 350 sur Londres. Aucune cible militaire ou industrielle notable frappée. Rôle de propagande.
    Le moteur-fusée pouvait propulser à 5 400 km/h, 96 km d’altitude, 320 km de portée, ses 12 508 kg dont 738 de charge explosive.
    Aucun d’intercepté (Mach 3.5 et trajectoire en cloche).


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